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En 2013, Karl Dubost et Olivier Thereaux travaillent tous les deux au W3C et ils interviennent dans une conférence de Paris Web sur le thème Esthétique et pratique du Web qui rouille. Je viens de découvrir la conférence, au hasard du Web. Il me semble qu’elle n’a pas besoin d’une couche d’antirouille (leurs diapos sont ici). A vous d’écouter :

Effectivement, je suis d’accord avec Olivier Thereaux lorsqu’il  s’exclame “il y en a marre d’entendre  qu’il y a trop d’information de nos jours” (et plus encore qu’en 2013 !). I faudrait plutôt réfléchir à notre capacité démesurée à tout conserver et se poser les questions suivantes : Qu’est-ce qu’on archive et pourquoi ? Pour qui archive-t-on ? Qui fait le choix d’archiver ? Qui fait le choix de supprimer ou d’effacer  ? Est-ce d’ailleurs un choix ou une négligence ?

J’ai retenu au cours de ces 45 minutes quelques conseils techniques qui peuvent sembler parfois anodins mais qui sont nécessaires comme   : mettre en place une politique de pérennité des adresse web (cf page du W3C sur le choix de la conservation des url) et en tout cas de se former a minima pour comprendre comment organiser des redirections (temporaires ou permanentes), rédiger un testament numérique,  ne pas oublier bien évidemment (mais on l’oublie trop souvent) de dater la création de ses pages web ou leur mise à jour car l’information qui était juste toute à l’heure est déjà fausse maintenant, éviter de mettre les extensions de la technologie utilisée dans les URL – au passage, un adage : “ne pas montrer la techno est une technique”¹, archiver les courriels des institutions où l’on travaille², lorsque l’on supprime des pages d’un site, savoir gérer les erreurs 404 qui agacent l’utilisateur·trice qui les comprend pas en les transformant en erreurs en 410 (gone) accompagnées d’un message expliquant les raisons de l’abandon de la page, savoir gérer également l’usage des fichiers “robot.txt” qui permet de contrôler une forme d’opacité sur son site web, utiliser Git-Hub pour archiver les codes sources et les faire vivre, ne pas oublier d’indiquer les licences sur les sites d’autant plus que le choix est large entre geler une information en informant un CC-BY-NC-ND ou en anticipant le domaine public avec un CC-0…

Bref beaucoup d’informations dans cette conférence qui sont encore très utiles pour le web 2024. Je l’ai écoutée car j’étais intéressée par la partie concernant la question de la refonte des sites, à un moment où pour la 6ème fois de ma carrière je dois passer sur un nouveau système d’exploitation. Cette fois, le choix s’est porté sur une plateforme nationale, Calames : j’espère que ce sera le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche qui prendra en charge les éventuelles refontes ou redesign du site désormais.

Voilà l’URL de notre nouveau catalogue, un billet sera publié la semaine prochaine qui explique tout cela :

https://calames.abes.fr/pub/mmsh.aspx

Car je l’ai vécu dans ma chair d’archiviste 😉 : comme l’expliquent Karl Dubost et Olivier Thereaux  les refontes qui impliquent de forts changements technologiques sont pénibles, souvent chargées d’émotions mal formulées face à l’adversité de la destruction ; il est douloureux et difficile d’éviter la politique de la terre brûlée, de la disparition³.

En conclusion, pourquoi ne pas penser au livre qui est finalement plutôt robuste (certes il peut être déchiré, mais s’il a été publié il en existe des milliers d’exemplaires, et sinon dans des éditions différentes) pour réfléchir à la robustesse du Web ? En 2013 les conférenciers confiaient que même si le Web arrivait à maturité, il restait encore beaucoup à apprendre et à comprendre⁴. Il y a en tout cas différentes façon d’archiver, de geler l’information, de la distribuer, des idées germent sans cesse pour aller plus loin

Le Web est un matériau qui vit, qui s’use avec le temps. Si on ne l’utilise pas, il peut rouiller ou prendre une patine. Que serait la patine du web ? Elle n’a pas été encore définie mais elle pourrait correspondre à la mémoire de l’usage : le frottement avec les utilisateurs, les interactions, les liens, les commentaires, les couches d’information qui s’agrègent et en font un matériau plus beau quand on l’utilise. Il me semble que les carnets de la Phonothèque, devenus ceux du Secteur archives de la recherche de la Médiathèque ont un peu de cette patine, et ça me plaît. Il y a tout intérêt à penser l’information comme une impermanence et à penser à son évolution dans le temps, à accepter qu’il y a des informations qui ne sont que temporaires ou qui doivent disparaître⁵.

Suivre les mises à jour des disparitions numériques : https://phonotheque.hypotheses.org/32287

Crédits photographiques : Main sur une porte à Bab Touma, Damas, Syrie, photographie de V. Ginouvès,  7 juin 2019, CC-BY-NC.

 

 

 

 

 

 

1. Je m’excuse par avance de l’extension .aspx du nouveau catalogue dont je vous donne l’URL plus bas… [↩]
2. Tous les courriels du W3C sont archivés et recherchables en interne. [↩]
3. Outre notre calendrier de l’Avent sur la disparition numérique que nous tentons de mettre à jour, je renvoie à une remarque terrorisante au détour de la conférence. Un des conférenciers signale le rachat de Usenet par Google et s’interroge sur son avenir… le clap de fin vient de résonner cette année :  https://www.presse-citron.net/usenet-clap-de-fin-que-signifie-la-fin-de-sa-prise-en-charge-par-google. [↩]
4. On en sait un peut plus bien sûr depuis 2013, lisez par exemple le petit ouvrage de Sophie Gebeil, Website story. Histoire, mémoires et archives du Web. Institut National de l’Audiovisuel, 2021. [↩]
5. Une allusion est faite aux problèmes de conservation de cassettes de la BBC, qui s’est rendu compte de l’obligation d’une migration d’une technologie obsolète alors que le nombre de têtes de lecture dans le monde ne permettraient pas de relire la totalité des documents stockés…  Mais ces drames se retrouvent un peu partout, à la Médiathèque de la MMSH aussi  certainement, mais ça va mieux en comprenant les processus de conservation et de l’archivage des données et du web. [↩]

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