En préparation d’un mémoire en histoire de l’art, spécialité histoire de la photographie à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, la Médiathèque MMSH à Aix-en-Provence m’a accueillie au cours d’un stage au secteur Archives de la recherche. Dans le cadre de mes missions, j’archive, améliore la conservation et rends la numérisation de ces images accessible sur la plateforme MediHal.
Derrière la stéréoscopie se cache d’abord une connaissance du système visuel et de sa physiologie.
La photographie en relief utilise une faculté naturelle à l’oeil appelée stéréopsie, et qui permet à celui ou celle, pourvu de binocularité frontale, de voir en relief. Chaque oeil projète et imprime sur la rétine un ensemble d’informations légèrement différentes d’un oeil à l’autre, et que le cerveau humain apprend à grouper à partir de l’âge de quatre mois. Cette fusion des deux projections recueillies par l’oeil, similaires mais légèrement décalées, construit alors une image tridimensionnelle qui permet de reconstituer les reliefs et d’évaluer la distance d’un objet dans un environnement1. Cette technique photographique reproduit donc cette construction mentale d’une image par le système cognitif.
L’usage de la photographie stéréoscopique n’est pas neuve à l’heure où Achille Dassonville s’en empare, au premier quart du XXe siècle. Ce sont d’abord deux dessins que Charles Wheastone, physicien anglais, utilise pour créer le stéréoscope. Son procédé voit le jour en 1838, un an avant les procédés photographiques de Daguerre et Talbot2. C’est avec différentes étapes du stéréoscope à réfraction de sir David Brewster que l’appareil s’ouvre davantage à la photographie3. La technique connait le succès lorsqu’elle est présentée par Antoine Claudet et Thomas Richard Williams à l’exposition universelle de Londres, en 1851. Ainsi, les vues stéréoscopiques peuplent les cartes postales pendant de longues décennies, et deviennent des objets plus ou moins communs.
S’agissant du général Achille Fernand Hector Dassonville, le sujet de mon étude, ses prises de vue datent d’entre les années 1920 et les années 1940. Il a longtemps été soupçonné qu’elles aient été prises dans un cadre militaire, dans le but de prospections de terrain ou pour rendre compte de certains évènements. Le corpus est riche en photographies de l’armée, qu’il s’agisse d’aviation ou de rencontres militaires.
Il existe en effet certains stéréoscopes spécialement conçus à ces fins, principalement des années 1940 et américains. Mais aucun document tangible ne mentionne pour le moment que le général ait été missionné tout spécialement comme « stéréographe » militaire.
À cette époque, les appareils stéréoscopiques se répandent entre les mains de tout un chacun : petits par essence, ils sont donc plus évidents pour les voyageurs les plus fortunés comme pour un public de plus humbles amateurs. Tous les fabricants proposent un modèle d’appareil stéréoscopique dans leur collection, et leur prise en main se simplifie : le photographe munit son appareil de plaques de verre prêtes à l’emploi, et doit immédiatement développer le négatif (plus besoin d’aller les faire développer en labo, mais il doit agir rapidement). Certains, comme ce fut le cas d’Achille Dassonville, se dotent d’un châssis-transposeur, une petite boite à glissière permettant de tirer un positif sur verre à partir d’un négatif. La partie droite du négatif et la partie gauche d’une plaque vierge photosensibilisée sont superposés. À l’ouverture rapide de la glissière en métal, la plaque vierge imprime le motif en positif. L’opération est répétée en inversant les plaques (partie gauche du négatif sur partie droite de la plaque). La plaque de verre, vierge à l’origine, devient alors le cliché final, en positif, après avoir été développée.

Ces outils semblent suivre le général au cours de tous ses voyages, témoins de sa passion et de sa maitrise de la technique. Il laisse derrière lui un total de 1120 prises de vue. Pour une vue d’ensemble, le corpus global est accessible sur MediHal, et l’ensemble du fonds est décrit sur Calames.
Ainsi, le stéréoscope se marque comme étant la première tentative de trois dimensions dans l’histoire de la photographie : c’est une pierre angulaire de l’histoire visuelle du XIXe siècle, puisqu’elle ouvre la porte à un nouveau rendu du réel, au curseur encore plus poussé, encore plus rapproché de la vérité que la photographie monofocale.
VOIR AUSSI :
Les photographies stéréoscopiques du Général Achille Fernand Hector Dassonville : présentation générale, 17 juillet 2025, Archives de la recherche & Phonothèque de la MMSH. https://doi.org/10.58079/14e02
Appel à l’identification de plaques stéréoscopiques du Général Achille Fernand Hector Dassonville, 22 juillet 2025, Archives de la recherche & Phonothèque de la MMSH. https://doi.org/10.58079/14ela
Crédits photographiques :
Image à la Une : Achille Fernand Hector Dassonville. Fonds Achille Dassonville (1890-1967) – Pérou – Lieu incertain – Enfant et femme parmi la foule. Médiathèque de la MMSH – Aix-en-Provence, Peru. 1940. ⟨hal-05169210⟩
Première image : Achille Fernand Hector Dassonville. Fonds Achille Dassonville (1890-1967) – Maroc – Accolade entre les maréchaux Lyautey et Pétain au Maroc. Médiathèque de la MMSH – Aix-en-Provence, Maroc, 1925. ⟨hal-04040819⟩
Deuxième image : Fonds Achille Dassonville (1890-1967) – Châssis-transposeur ayant appartenu à Achille Dassonville. Médiathèque de la MMSH – Aix-en-Provence
- Marina Zannoli. Organisation of audio-visual three-dimensional space. Psychology. Université René Descartes – Paris V, 2012. English. NNT : 2012PA05H109 . tel-0078981 https://theses.hal.science/tel-00789816/document [↩]
- Sir Charles Wheatstone. (1875). Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences, 11, 372–374. http://www.jstor.org/stable/20021494 [↩]
- Gordon, R. B. (2018). Le rêve stéréoscopique de Sir David Brewster : spectres, images spectrales, spectateurs. In M. Almiron, E. Jacopin, & G. Pisano (éds.), Stéréoscopie et illusion (1‑). Presses universitaires du Septentrion. https://doi-org.ezpaarse.univ-paris1.fr/10.4000/books.septentrion.24255 [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Maëlle Jupille (24 septembre 2025). Aspects techniques de la stéréoscopie à travers l’oeuvre du général Achille Dassonville. Archives de la recherche & Phonothèque de la MMSH. Consulté le 13 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/14qho